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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 15:35

priestLe continent africain est ravagé par une guerre nucléaire. Des réfugiés affluent en masse sur les côtes occidentales. La Grande-Bretagne doit accueillir sur son sol plusieurs centaines de milliers de ces survivants mais les autorités sont dépassées et peinent à organiser leur prise en charge. De nombreux africains se retrouvent livrés à eux-mêmes dans un pays qu’ils ne connaissent pas. Les heurts et les incidents avec la population locale ne se font pas attendre. Au même moment, un gouvernement conservateur et extrémiste est porté au pouvoir.

 

En 1971, Christopher Priest publiait son premier roman d’anticipation Fugue for a darkening island, traduit en français sous le titre Le Rat Blanc.

Cette année paraît une version revisitée de ce même roman : Notre île sombre. Les raisons qui ont poussé Christopher Priest à reprendre son texte initial trouvent leur origine dans deux critiques parues à l’époque et qui accusaient Priest de prendre parti politiquement. Bien que la rédaction de son roman fut influencée par l’actualité du moment, à savoir les violences quotidiennes en Irlande du Nord et l’arrivée d’un flux massif de migrants indiens, Christopher Priest se défendait d’avoir écrit selon une quelconque visée politique. Félicité d’abord d’avoir dénoncé un racisme latent dans la société britannique, il fut ensuite et de façon contradictoire accusé lui-même de xénophobie. Afin de mettre les choses au clair de ce côté, l’auteur a donc souhaité réécrire son texte en l’expurgeant de tout passage susceptible de mener à une éventuelle interprétation sur ses propres opinions. Christopher Priest avait pour unique but de décrire et proposer un aperçu des effets d’une situation catastrophique.

 

Le thème du roman reste très actuel. L’immigration et l’intégration des étrangers demeurent des sujets brûlants de notre actualité. Parmi les réactions à cette situation tendue, deux tendances se dessinent nettement. D’un côté, les défenseurs de l’identité nationale exigent une assimilation totale du migrant ou son renvoi définitif si refus de se conformer aux us et coutumes du pays accueillant. De l’autre, les partisans du vivre ensemble prônent la tolérance, la diversité des cultures est pour eux une source de richesse.

Mais une troisième tendance est souvent oubliée et c’est à celle-ci que Christopher Priest donne la parole.

Son personnage principal Alan Whitman est un homme lambda, bon citoyen issu de la classe moyenne, enseignant, marié et père de famille, il possède un pavillon confortable en banlieue londonienne. A première vue, Alan n’a rien contre les étrangers. Il mène sa vie, une vie finalement médiocre. Son mariage n’est pas heureux, il cumule les infidélités sans jamais chercher à se définir une bonne fois pour toutes. Il ne cherche pas particulièrement à résoudre ses problèmes matrimoniaux et encore moins à se remettre en question. C’est un homme plutôt faible, un suiveur. Mais la situation brutale dans lequel le pays est plongé va le pousser à prendre ses responsabilités et des décisions, à s’affirmer. Le basculement de sa personnalité et de sa position relative aux Afrims ( nom donné aux africains réfugiés) se fait progressivement tout au long du roman.

 

La narration se fait à la première personne et alterne entre plusieurs périodes de la vie de Alan. L’alternance n’est pas chronologique et le lecteur est baladé dans le temps. Petit à petit, au fur et à mesure de l’avancement de la lecture, on reconstitue sa vie mais aussi l’ordre des évènements à l’échelle du pays. Les réactions de la population, les mesures du gouvernement, l’intervention de l’ONU et de diverses organisations, la constitution de milices, de groupes armés constituent un paysage de chaos décrit minutieusement par l’auteur. Les détails sont si plausibles que ça en fait froid dans le dos : expropriation des résidents locaux, rues barricadées, enlèvement des femmes et constitution de réseaux de prostitution. Des milliers de britanniques sont condamnés à errer sur les routes. Certains se regroupent et s’organisent pour se protéger et survivre, d’autres pour combattre les Afrims. Et on constate avec stupeur le maintien de certaines zones « protégées » qui vivent repliées sur elles-mêmes totalement coupées du monde extérieur, regardant les évènements se déroulant à quelques kilomètres de chez elles comme si c’était à l’autre bout du monde.

 

Roman catastrophe, Notre île sombre offre une idée de l’extrémité dans laquelle nous pourrions tomber dans le cas où les pays riches occidentaux continuaient à considérer le reste du monde avec condescendance et mépris. L’époque coloniale est censée être révolue mais les mentalités nationalistes et identitaires persistent et notre actualité montre leur ascension chaque jour plus évidente. Christopher Priest ne donne pas de solution mais a tiré, dès 1971, la sonnette d’alarme.

A lire absolument !

 

J'avais repéré sur Babelio l'ancienne version de ce roman sous le titre Le Rat Blanc que je m'étais empressée d'ajouter à ma wish-list. Je me sens en effet de plus en plus concernée et touchée par les problèmes d'immigration et d'intégration ainsi que par la montée des extrémistes. Il faut croire que l'homme s'obstine à ne pas apprendre des leçons de l'Histoire pour qu'il saute à pieds joints dans les mêmes pièges et refasse sans cesse les mêmes erreurs. Je remercie donc infiniment Dana et les éditions Denoël pour m'avoir donné l'occasion de découvrir enfin ce roman qui m'intriguait tant. Et un grand bravo pour la magnifique couverture !

 

 note cerise5

 

Notre île sombre - Christopher Priest

Editions Denoël

Traduction : Michelle Charrier

Parution : 13/05/2014
208 pages

 

 

 

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commentaires

C
Une jolie découverte, je ne connaissais pas. Et une couverture superbe!!
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A
<br /> <br /> Contente de te l'avoir fait découvrir ! ( et désolée pour le retard dans mes réponses aux commentaires ! )<br /> <br /> <br /> <br />
J
Me semble que la critique d`un livre ne peut etre que subjective, qu`elle soit "professionnelle" ou "amateur", la différence étant que le critique "pro", en plus de sa prpre subjectivité, est<br /> obligé de tenir compte de celle du média qui l`emploie sous peine de se retrouver sans emploi. Ergo, moi aussi je préfere "l`amateurisme" en la matiere.<br /> <br /> Pour ce qui est de l`immigration massive, je pense qu`il est bon qu`il y ait une résistance populaire car la solution n`est pas de transfuser les populations des régions du monde (par exemple<br /> l`Afrique) ruinées au profit de la consommation effrénée d`autres régions (par exemple l`Europe) mais de mettre fin au regne du profit a tout prix et les résistances populaires en Occident a<br /> l`immigration massive (qu`elle soit exprimée par l`intolérance du quidam moyen ou des romans "catastrophistes") ne peut qu`aider a trouver les bonnes solutions. Cela mis a part, le mélange des<br /> populations reste inévitable et est meme une bonne chose a mon avis mais elle ne doit pas se faire sous la pression de la faim et des guerres car alors tout le monde est perdant (sauf bien-sur les<br /> grands exploiteurs de la faim et de l`industrie militaire).
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J
Il faut lire Raspail, Aaliz. C`est un grand écrivain francais et un grand voyageur aussi. De plus, c`est un contemporain mais les critiques "branchés" on tendance a bouder a cause de son parti-pris<br /> monarchiste. Lisez surtout "Qui se souvient des hommes...", c`est un des sommets de la littérature francaise du XX. siecle. Pour ce qui est de l`immigration massive, faut pas flipper, on a toujours<br /> tendance a s`inventer des grandes peurs la ou il n`y a souvent que des grands changements.
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A
<br /> <br /> Merci Joachim, il fera donc partie de mes prochains achats ! Ah ... ces critiques ... je préfère finalement les blogueurs et leur amateurisme en la matière. Les critiques sont peut-être moins<br /> développées et moins pertinentes mais au moins on évite les parti-pris et on sait que l'avis a été écrit en totale indépendance.<br /> <br /> <br /> Vous avez raison pour les grands changements, disons que ce sont plus les réactions à ce changement qui me font peur que le changement en lui-même.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Pas mon truc l'anticipation "catastrophiste" comme ça mais les réactions qui ont poussé l'auteur à revoir son texte m'interpellent beaucoup !
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A
<br /> <br /> ça me gêne un peu qu'il ait pris cette décision, je le perçois comme une forme d'auto-censure. Et c'est un phénomène de plus en plus visible à notre époque. On n'ose plus dire certaines choses de<br /> peur d'être taxé d'antisémitisme ou de racisme. La parole était quand même beaucoup plus libre il y a quelques années sans que ça suscite obligatoirement un étiquetage ou une condamnation aux<br /> yeux d'autrui. Cette dérive actuelle est inquiétante.<br /> <br /> <br /> <br />
V
Dommage que ce soit un roman d'anticipation car j'aurais été tentée. La couverture est belle en plus.
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A
<br /> <br /> C'est un roman d'anticipation mais qui traite d'un sujet actuel. Disons que les problèmes évoqués dans le roman sont les mêmes que ceux que rencontre notre société actuelle à un degré moindre<br /> bien sûr. J'espère qu'on en arrivera jamais à de telles extrémités.<br /> <br /> <br /> <br />

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