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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 21:53

haddad

« La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd. »

 

Qui se souviendra de nous lorsque nous nous serons éteints, si nous ne laissons derrière nous aucune famille, aucun ami, aucun héritage, aucune trace ?

Préserver la mémoire et l’œuvre de son maître, tel a été le souci de Matabei après l’événement.

Lui-même hanté par ses souvenirs, Matabei se réfugie à la pension de dame Hison, asile de tous ceux qui cherchent à fuir le monde, à s’isoler et mener une vie discrète et libre.

Le cadre est enchanteur. Le jardin, soigneusement entretenu par le maître puis par Matabei, offre un petit aperçu terrestre du Paradis.

Mais cette vie édenienne prendra fin, tout comme dans l’histoire biblique, dès lors que le péché aura été commis. Plus qu’à une chute, c’est à l’apocalypse que Matabei soit survivre.

 

Hubert Haddad parvient talentueusement à immerger son lecteur dans l’atmosphère douce du Japon. A l’instar des pensionnaires de dame Hison, le lecteur se sent hors du temps et se laisse bercer par la plume délicate et poétique de l’auteur. De nombreuses descriptions sont tout autant d’hommages à la nature luxuriante et pleine de vie de ce coin de l’archipel nippon. Les lecteurs de Pays de neige de Kawabata ressentiront comme un air familier à la fois par l’intrigue liant les personnages et par cette préséance accordée à l’environnement. Cette lecture onirique peut toutefois gêner par la surabondance de ces descriptions qui provoque à terme un effet répétitif et lassant.

 

Heureusement, la dure réalité se rappelle inopinément aux personnages et au lecteur. La lecture s’accélère, la rupture avec ce qui précède est évidente et radicale. La nature luxuriante cède sa place à un paysage de mort et de désolation. Après l’insouciance et la douceur de vivre, c’est l’errance et la tentative de retrouver ce qu’on a perdu. Mais il est plutôt temps de laisser les fantômes s’éloigner et de songer à la trace que l’on veut laisser de notre passage sur Terre. Matabei tente d’exorciser ses vieux démons en restaurant les éventails abîmés de son maître afin de transmettre ce patrimoine et d’encrer dans le papier de riz ses liens intimes et solides entre maître et élève, liens de substitution aux liens parentaux brisés ou perdus.

 

Le peintre d’éventail est un roman contemplatif d’une grande beauté. On y retrouve des traits communs à d’autres œuvres d’Hubert Haddad : la solitude, la perte de ses parents, la trahison, la nature, les conséquences désastreuses des actions humaines. Après la guerre dans Opium Poppy, c’est la dangerosité de la science qu’Hubert Haddad pointe du doigt en insérant le fictionnel dans la réalité par l’évocation du drame de Fukushima.

Le drame est matériel, environnemental, humain mais aussi sentimental, les personnages subissent le choc et le lecteur n’est pas épargné. En tout cas, ma sensibilité a fait qu’un détail inattendu de l’intrigue entre les personnages m’a à ce point surprise et attristée que j’en ai versé une larme.

L’Homme est dangereux pour la nature, la nature est dangereuse pour l’Homme. Face à sa puissance, nous ne sommes que grains de poussière aussitôt balayés d’un coup d’éventail.

 

Un grand merci à Anna et aux éditions Folio.

 

note cerise4

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 20:03

duras.jpgMa première lecture de Marguerite Duras remonte à presque vingt ans. J’avais lu L’Amant suite à l’étude d’un extrait pour le bac ( j’étais même tombée dessus à l’oral). Le souvenir que j’en garde se limite à des impressions dues au cadre de l’intrigue, l’Asie coloniale, la chaleur, l’atmosphère lourde, quelques visions de persiennes laissant filtrer les rayons du soleil et les clameurs de la rue mais aussi et surtout un profond ennui.

A l’occasion du centenaire Marguerite Duras, j’ai lu Un barrage contre le Pacifique et j’ai bien cru que j’en retirerai la même chose. D’une manière générale, j’ai trouvé ma lecture assez difficile, surtout au tout début. Il m’a fallu près de la moitié du roman pour me plonger dedans et m’adapter au style. J’étais assez perplexe, j’avais l’impression de lire un livre écrit à deux mains. Des passages au style pauvre et maladroit alternant avec des envolées de toute beauté. Les personnages sont au premier abord assez antipathiques et pas du tout attachants. Leur vulgarité et leur vénalité m’ont choquée presque plus que leur misérable condition et leur malchance.

 

La première moitié du roman se consacre principalement à mettre en place les personnages et leur situation : une femme ayant perdu très tôt son mari doit se débrouiller pour pourvoir à ses besoins et ceux de ses enfants. D’abord institutrice à sa venue en Indochine, elle a du trouver d’autres postes pour nourrir les siens et se constituer un petit capital. Ce capital, représentant une bonne dizaine d’années d’économies, elle décide de l’investir dans une concession qu’elle s’engage à mettre en valeur et à cultiver. Malheureusement, son terrain est régulièrement recouvert par de hautes marées rendant toute culture impossible. Sa mésaventure ne semble pas être un cas isolé mais plutôt une arnaque bien rôdée profitant aux agents du cadastre et à l’administration coloniale. La mère et ses enfants tentent de survivre comme ils peuvent et attendent.

Ce roman est celui de l’espoir et de l’attente, l’attente de l’événement qui viendra changer leur condition, le miracle qui leur permettra de partir et de vivre enfin. La mère se démène et s’entête : la construction des barrages, ses entreprises pour caser sa fille, toutes ses tentatives se soldent par des échecs. Mais elle persiste jusqu’à s’en rendre malade et son impuissance la mène jusqu’aux portes de la folie.

L’ennui que l’on peut ressentir à la lecture de cette première partie reflète celui de cette famille qui voit les jours passer dans cette même et pénible attente, dans la lenteur du temps qui s’écoule quotidiennement tantôt à l’ombre du bungalow, tantôt sous la chaleur écrasante du bord de piste.

 

Tous les détails relatifs à la vie dans la colonie sont passionnants. Marguerite Duras brosse un portrait de l’Indochine coloniale bien loin de toute vision idyllique : la corruption des fonctionnaires coloniaux, la misère des petits colons, celle des indigènes, la ségrégation géographique des villes coloniales. Elle se livre à une véritable étude sociologique de la population coloniale, des habitants permanents, des agents de passages, les colons qui ont su profiter de la manne coloniale : plantations de latex, de riz, marchands de textiles, diamantaires, ceux qui sont contraints au trafic pour survivre : contrebande d’alcool, trafic de l’opium … A travers le personnage du caporal, les indigènes ne sont pas oubliés : la faim, la prostitution, la forte mortalité des enfants, les maladies sont autant de calamités que les colons ne cherchent même pas à enrayer.

 

Je disais donc que j’avais eu des difficultés à prendre les personnages en sympathie. Hormis la mère, qui ne peut que susciter la compassion par sa force, son courage et son espoir obstiné, j’ai trouvé Suzanne, sa fille, et Joseph, son fils, effroyablement égoïstes, vulgaires et comme le dit également M.Jo : immoraux. Ils semblent se moquer des efforts de leur mère et ne cherchent leur salut que par la fuite. Joseph attend qu’une femme et l’amour l’emmènent loin de cette vie dont il ne veut plus. Suzanne attend patiemment le long de la route qu’une des rares voitures s’arrête pour s’enfuir à son bord. Elle refusera deux bons partis auxquels elle ne s’intéressera que par intérêt et pour réconforter sa mère.

Malgré tout, peut-on les blâmer au vu des conditions de vie qui sont les leurs ? Au fur et à mesure qu’on avance dans le roman, on finit par les comprendre et on se laisse attendrir. La plume de Marguerite Duras se fait plus assurée, plus constante, plus incisive et rageuse. La lettre de la mère aux agents du cadastre est un véritable bijou, un cri de colère délectable. La longueur des chapitres s’adapte au rythme des évènements et on ressent bien cette accélération dans la deuxième moitié du roman.

 

Le titre même du roman souligne le côté dérisoire de la situation : un seul petit barrage contre la force des flots d’un océan, reflet des efforts désespérés de la mère et qui semblent si insignifiants face aux obstacles de la vie : le pouvoir, les autorités, les éléments naturels, la société, la quête du bonheur, le dénuement matériel.

 

Au final, Un barrage contre le Pacifique est un roman  qui déroute et qui nécessite, tout comme la mère, de la patience et de l’obstination pour découvrir derrière une façade d’ennui et de simplicité, un récit engagé dont l’inspiration autobiographique renforce la puissance et le tragique.

 

Un grand merci à Anna et aux éditions Folio.

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23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 00:20

celine-voyage-couv-folio_m.jpgJ’ai longtemps hésité avant de me lancer dans la rédaction de cette chronique. Parce que Céline a déjà été commenté maintes et maintes fois par des spécialistes et que je ne me sentais pas de taille à me plier à l’exercice. C’est toujours un peu comme ça lorsqu’on lit un monument de la littérature, ça intimide. Et lorsqu’en plus c’est un coup de cœur, on est au bord du découragement.

Et puis bon, je me dis que si je réussissais à convaincre quelqu’un passant par ici à se lancer dans cet incroyable roman alors ça n’aura pas été vain.

 

Voyage au bout de la nuit. Même une fois le livre terminé, ce titre me laisse perplexe. Comment l’interpréter ? Comme un voyage à travers la noirceur humaine dans laquelle on s’enfoncerait de plus en plus, une forme de descente aux enfers. Il y a de ça. Ou bien considérer la nuit comme symbolisant la vie qui nous conduit, nous pauvres voyageurs impuissants, vers ce bout obscur, la mort ? Il y a de ça aussi.

 

Ferdinand Bardamu est l’un de ces pauvres voyageurs. Son périple nous conduit à la guerre puis en Afrique coloniale, ensuite à Détroit aux USA pour enfin revenir en France. Le point commun à toutes ces étapes est la détresse et la misère de la condition humaine. La guerre, l’esclavagisme, l’exploitation ouvrière, la pauvreté sont autant de thèmes abordés. L’être humain y est présenté comme un individu privé de liberté propre et perpétuellement soumis à une autorité supérieure qui lui dicte et impose sa conduite : la Patrie, le colonisateur, le patron d’usine, le capitalisme, la maladie, la propriété, l’argent et l’amour même !

Face à ces entités dominatrices, Ferdinand oppose une unique réaction qu’il revendique : la lâcheté et la désobéissance. Il refuse de donner sa vie pour la Patrie, pour ces Grands qui ont décidé de tous les envoyer à l’abattoir pour leurs propres intérêts. Il refuse de servir l’administration coloniale qui le contraint à des conditions de vie inhumaines. Il refuse de s’asservir à engraisser un patron grâce à la sueur de son front et sa santé pour une paie misérable en retour. Il refuse et il refuse. Fuir et se sauvegarder sont ses mots d’ordre.

 

« – Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat…

– Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.»

 

Sur sa route, il croise de nombreux personnages hauts en couleur. Princhard, pauvre bougre pensant échapper à la guerre en volant des conserves. Lola, Musyne et Molly ces femmes que sa lâcheté repoussera ou le poussera à les quitter. La famille Henrouille obsédée par l’argent. Parapine, le chercheur qui en a marre de chercher. Baryton, le directeur d’asile qui décide de tout plaquer. Madelon, l’amoureuse prête à tout. Et surtout le meilleur ami de Ferdinand : Robinson qui ira véritablement tout au bout de la nuit. Tous sont intéressants, tous ont leur rôle bien défini et tous sont pour Céline l’occasion de développer une idée.

 

Les idées de Céline, on y adhère ou pas. Pour ma part, j’y adhère en partie. Je n’évoquerai pas cette histoire de pamphlets antisémites car il n’est aucunement question d’antisémitisme dans ce livre. Seule l’image péjorative des « nègres » et des arabes pourrait être relevée mais elle reflète malheureusement un point de vue courant à cette époque.

Non, Voyage au bout de la nuit dénonce la misère, le colonialisme, la bêtise et les tares humaines, l’absurdité de la vie, de la société.

 

« C’est comme les cochonneries, les histoires de bravoure, elles plaisent toujours à tous les militaires de tous les pays. Ce qu'il faut au fond pour obtenir une espèce de paix avec les hommes ... c'est leur permettre en toute circonstance de s'étaler, de se vautrer parmi les vantardises niaises. Il n'y a pas de vanité intelligente. C'est un instinct. Il n'y a pas d'homme non plus qui ne soit pas avant tout vaniteux. Le rôle de paillasson admiratif est à peu près le seul dans lequel on se tolère d'humain à humain avec quelque plaisir. »

 

Et c’est surtout un texte magnifique, des propos cinglants, des sorties jubilatoires ( je n’aurais pas pensé que Céline pourrait me faire rire) et des tirades monumentales au point que je m’amusais à les relire à voix haute. Je vous mets ici ma préférée : le discours de Princhard, une vraie claque pour moi ! Denis Podalydès la lit très bien d’ailleurs. Il fait bien ressortir la force et la puissance de ce texte qui exprime de façon grandiose la hargne et la colère, l’exaspération et l’impuissance.

 

 

Et enfin le style de Céline ! Une merveille ! Il s’agit d’un langage très oral, argotique, plein de sonorités, de rythme. C’est un style très vivant et d’une grande force d’évocation. Je comprends que le côté argotique puisse être rebutant au début mais on s’y fait rapidement et il est tellement raccord avec le propos que ça ne pouvait pas être écrit autrement.

Ceux qui connaissent Michel Audiard et ces célèbres dialogues de films cultes comme Les tontons ou Les Barbouzes, s’y retrouveront avec délectation. Sachez qu’Audiard admirait beaucoup Céline et que c’est le style de Céline qui l’a influencé. Je l’ignorais avant d’avoir terminé le livre et je me disais bien, à la lecture de certains passages, que ça sonnait comme Audiard mais en fait c’est Audiard qui sonne comme Céline !

 

Bref, j’ai adoré ce roman qui pourtant me faisait très peur. C’est très noir, pessimiste et sans aucun espoir mais c’est un chef d’œuvre ! La première moitié sur la guerre, l’Afrique et l’Amérique est un pur régal. La seconde avec le retour en France est un peu moins captivante, Céline nous fait un peu baisser les armes pour mieux nous estomaquer avec son final.

 

Je crois avoir lu dans un des livres du grand Bukowski une citation d’Hemingway qui disait que pour bien écrire il fallait parler de ce que l’on connaît. Lorsqu’on sait que l’œuvre de Céline est fortement inspirée de sa propre vie, cela n’en donne que plus de sens et de poids à ses propos. J’ai maintenant très envie de lire les autres écrits de Céline. Le Voyage restera un de mes livres de chevet.

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 00:16

sorman.gifJusqu’à la Renaissance, aucune distinction n’était faite entre l’art et l’artisanat telle qu’elle est faite de nos jours. Aujourd’hui, la différence entre les deux nous paraît évidente. Pourtant Joy Sorman réussit dans ce très (trop) court roman à rendre aux métiers de la boucherie leurs lettres de noblesse surtout dans le contexte actuel où la consommation de viande est de plus en plus critiquée.

Bien entendu, si vous êtes un défenseur acharné du végétarisme, il va de soi que ce livre n’est pas pour vous et ne saura vous convaincre de la beauté de la viande et du travail de la viande.

Ceci dit, Pim, notre personnage principal, n’en était pas tout à fait convaincu non plus au départ. Et c’est un peu par hasard qu’il s’oriente lors de ses études vers la filière de la boucherie.

Il se découvre alors une passion, passion que Joy Sorman parvient à retranscrire d’une façon admirable. Une passion qui va d’ailleurs s’amplifiant et qui va mener Pim vers la folie.

 

Dans ce roman, on découvre les coulisses des métiers de la viande, de la ferme d’élevage en passant par l’abattoir, le marché de Rungis et les bancs de l’école de formation. Joy Sorman offre à son lecteur une véritable visite guidée jusque dans les détails et n’embellit rien.

Elle nous livre un texte remarquablement écrit. Le choix des mots, des tournures de phrase sonnent à chaque fois juste, certains passages sont presque poétiques, les descriptions parfois aussi minutieuses et colorées qu’une toile de peintre. Le travail de la viande devient sous sa plume un art à lui tout seul transformant Pim en artiste, ses gestes précis en ballet, les pièces de viande en dégradés de rouge.

Joy Sorman rend un bien bel hommage à ces métiers souvent méprisés et aussi à ces travailleurs des abattoirs à la besogne ingrate mais nécessaire.

De plus l’humour n’est pas absent de ce texte et le panache non plus.

 

Cependant, j’ai trouvé le roman trop court. J’en aurai voulu plus, j’aurais souhaité une histoire plus étoffée, plus fouillée. La fin m’a également déçue, je m’attendais à plus sensationnel. Pourtant c’est original et Joy Sorman évite de tomber dans la facilité. J’imaginais Pim virer psychopathe mais il n’en est rien et Joy Sorman sait ménager ses effets. On ne sait absolument pas jusqu’où la folie de Pim va évoluer, sa personnalité reste assez floue et énigmatique mais j’ai apprécié tout de même ce suspense et cette tension tout au long du récit.

 

En fait, ce récit me rappelle La leçon d’anatomie de Rembrandt, le sujet n’est certes pas très ragoûtant mais c’est du grand art. Et il en est un peu de même pour Comme une bête. Je souligne encore une fois le style de Joy Sorman qui m’a fait penser à celui de Patrick Deville en moins télégraphique.

Bref, j’ai aimé mais j’ai aussi été déçue. Ceci dit, je surveillerai à présent de près cet auteur.

 

Un grand merci à Lise et aux éditions Folio pour cette découverte.

 

 

lecon-anatomie-rembrandt.jpg

 

 

 

 

 

 

 

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 10:49

linvention_de_nos_vies.jpgNous évoluons dans une société de plus en plus individualiste et matérialiste. Les maîtres mots sont réussite et performance. Pour beaucoup, il s’agit surtout de réussir socialement, se faire une place, une situation. Avoir un bon emploi et un bon salaire. Avoir une belle voiture, une belle maison, les gadgets électroniques dernier cri. Avoir un conjoint, de beaux enfants dont on exige de beaux bulletins scolaires. Et surtout, on aime particulièrement obtenir l’estime et le respect des autres voire même susciter l’envie.

Nous pensons à tort que le bonheur ne s’acquiert que par cette réussite sociale. Partout, à l’école, parmi nos amis et notre famille, tout concourt à nous donner l’obsession de la réussite. Cette pression est d’autant plus forte qu’elle s’appuie sur notre orgueil et notre vanité.

 

Dans L’invention de nos vies, Karine Tuil dénonce cette pression permanente et les possibles dérives d’un système qui pousse à la compétition, au formatage et au déni de soi. Elle aborde le sujet sous divers aspects à travers plusieurs personnages aux parcours très différents.

 

Samir Tahar est issu de l’immigration, il est musulman et son horizon se limite aux cités mal famées. C’est pourtant un brillant étudiant qui a obtenu d’excellents diplômes. Malheureusement ses recherches d’emploi restent vaines. Jusqu’au jour où il postule en ayant modifié son prénom. Le recruteur le prend alors pour un membre de la communauté juive. Samir ne relève pas le malentendu. Pour crédibiliser son appartenance à la religion juive, il s’invente une nouvelle vie. Toute sa carrière, sa vie privée reposeront alors sur une vaste mystification.

Samuel Baron est issu de la bourgeoisie juive. Tout va bien pour lui jusqu’à ce qu’il apprenne qu’il a été adopté. Il s’éloigne de ses parents, rencontre Nina dont il est fou amoureux puis Samir avec lequel il se lie d’amitié. Samuel semble avoir un destin tout tracé par ses origines aisées, il rêve de devenir un grand écrivain mais la perte de ses parents et la trahison de Nina l’entraînent au fond du gouffre.

Nina est une jeune femme libre et indépendante. Toute sa vie est basée sur ce qui semble être son unique atout : sa beauté. Elle sera la pomme de discorde entre Samir et Samuel faisant alors éclater le trio d’amis.

 

Autour de ces trois figures centrales du roman gravitent d’autres personnages secondaires et des figurants. Tous participent à la réflexion proposée par l’auteur.

 

Les femmes, représentées essentiellement par Nina, la mère et la femme de Samir sont toutes esclaves de quelque chose :

- Nina de sa beauté,

- la mère de Samir des hommes en se dévouant toute sa vie à répondre aux moindres désirs de son mari, puis de son amant et enfin de ses enfants,

- Ruth de la fortune familiale et de l’honneur , elle a vécu enfermée dans sa bulle, ultra-protégée par son richissime paternel et par sa communauté.

 

Samir et François, son demi-frère, ont tous les deux répondu à leur façon à la même rage et au même désespoir. Ils se sont sentis inférieurs et donc méprisés du fait de leurs origines ethniques, religieuses et sociales. Samir a choisi de mentir sur son identité, François trouvera une autre voie. Mais chaque chemin aura la même issue.

 

Chaque personnage rencontré fait aussi l’objet d’une note de bas de page en rapport avec ce qu’il rêvait de devenir.

 

L’invention de nos vies est un roman admirablement bien construit et bien pensé. Le style de Karine Tuil est puissant, percutant, on ressent la colère de ses personnages. Les successions d’énumération donne un effet de mitraillage ( de balles ou flashs des paparazzis …). Le lecteur est sous le feu, est happé dans cette histoire et n’en ressort plus. Les pages défilent à toute vitesse, on est avide de savoir ce qu’il advient de Samir l’arriviste, Samuel le paumé, Nina la légère.

A travers le personnage de Samuel, Karine Tuil s’interroge aussi sur le sens et l’objectif de la littérature, sur ce qu’est un écrivain.

 

J’avais très peur au début que tout le roman tourne autour du triangle amoureux formé par Samir, Samuel et Nina mais Karine Tuil nous emmène bien au-delà. Elle brosse un tableau féroce mais assez réaliste de notre société variant les genres et les protagonistes. Ce roman s’adresse à tout le monde, toutes les classes sociales, toutes les confessions religieuses. Karine Tuil illustre parfaitement bien les sentiments de chaque groupe, sentiment de déconsidération, d’injustice, de crainte. Elle montre combien la France échoue à faire vivre ensemble de façon harmonieuse l’ensemble de sa population.

 

A travers Pierre Lévy, mon personnage préféré, Karine Tuil se fait la voix de la raison, de l’espoir et de l’optimisme. Elle nous invite à briser nos chaînes, à prendre du recul par rapport à ce que la société exige de nous, à lui porter un regard différent, à ne pas s’enfermer dans des schémas de pensée que l’on s’imagine immuables.

En même temps, elle s’interroge sur ce qui fait notre identité, l’importance de connaître ses origines, sa famille, le besoin de se sentir accepté, de faire partie d’une communauté et d’y avoir sa place.

 

Le seul reproche qu’on pourrait lui faire c’est d’avoir choisi des cas extrêmes tombant ainsi dans le cliché et la généralisation. Toutes les cités ne sont pas des coupe-gorges et des repères de trafiquants, on ressent trop le clivage musulmans pauvres d’un côté, juifs aisés de l’autre. La réalité est bien plus contrastée. Cependant, il faut reconnaître que son choix se prête bien à la démonstration puisqu’il correspond à l’image que se font la plupart des gens de notre société et à celle que véhiculent les médias.

 

Bref, c’est un roman très riche, une belle réussite. elle m’aura régalée avec ce roman digne des grands romans sociaux américains. Il s’en dégage beaucoup de puissance avec des thèmes très travaillés et qui m’intéressent particulièrement.

Bref, j’ai adoré et je pense sincèrement que Karine Tuil aurait mérité, elle aussi, le prix Goncourt. En tout cas, je vous en conseille fortement la lecture.

 

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 13:43

des-eclairs.gif

 

 

Le voilà enfin ce récit d’Echenoz que je voulais tant lire il y a quelques temps, j’avais du me rabattre sur Ravel, Des éclairs étant indisponible à la bibliothèque.

J’ai été très contente de retrouver la plume pleine d’humour de Jean Echenoz. Il retrace ici la vie de ce génial inventeur qu’était Nicolas Tesla. Un bien bel hommage pour cet homme encore trop méconnu et surtout décrié. Alors ? Inventeur de génie ou simple savant fou ? Jean Echenoz ne tranche pas, il expose en toute objectivité ( sauf pour les pigeons …) les différents aspects de la vie et de la personnalité de Tesla. Difficile de se faire une opinion arrêtée sur ce personnage ambigu mais si intéressant.

On y retrouve l’essentiel de la vie de Tesla : ses débuts avec Edison, la compétition les opposant sur le courant continu et alternatif, l’origine de l’invention de la chaise électrique, la célébrité de Tesla, les controverses sur certaines de ses idées et inventions, le fait qu’il s’est fait voler bon nombre de ses projets. Jean Echenoz met ainsi en lumière sa principale caractéristique : Tesla avait des tas d’intuitions mais qu’il n’a jamais exploitées jusqu’au bout ni concrétisées ( ce que d’autres feront à sa place s’appropriant tout le mérite). On assiste ensuite à sa graduelle déconsidération, il n’est plus pris au sérieux et perd peu à peu la confiance de tous. Il finit ses jours dans la misère.

Je sais que Des éclairs fait partie avec Ravel d’une trilogie et je me demandais si Jean Echenoz avait fait exprès de choisir des personnalités quasi-similaires car Ravel et Tesla avaient apparemment bien des points communs : introvertis voire asociaux et surtout complètement maniaques.

Toujours est-il que j’ai adoré cette lecture. Jean Echenoz a tout à fait la plume qu’il convient pour traiter de ce genre de sujet.

 

 

 

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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 21:56

journal-arbre.jpgJe risque de ne pas être très tendre avec ce livre assez court qui pourtant partait sur un bon concept mais dont la réalisation m’a beaucoup déçue.

 

Tristan, un poirier planté sous Louis XV, nous raconte sa vie, les évènements auxquels il a assisté, nous décrit sa vision de son environnement. L’auteur lui attribue donc la capacité de penser et de ressentir, de juger aussi. Autant je trouvais cette idée excellente, autant l’auteur en a fait quelque chose qui m’a plutôt déplu.

 

Il est d’ailleurs difficile de résumer ce roman car la trame chronologique est complètement perturbée. Toujours est-il que le récit alterne entre les évènements passés de la vie de Tristan et les évènements actuels.

Tous les passages relatifs à son histoire sont très intéressants mais malheureusement trop survolés à mon goût. L’auteur a fait le choix de davantage insister sur les péripéties de quelques personnages principaux que l’âme de Tristan accompagne, péripéties d’ailleurs totalement dénuées d’intérêt et tombant dans la mièvrerie.

Le personnage principal Yannis est chargé d’écrire les mémoires de ce poirier. Ce qui a pour résultat de nous donner par endroit un semblant de récit dans le récit mais le procédé n’est clairement pas assumé ni affirmé. Je me demande donc : ai-je lu les véritables pensées du poirier ou n’ai-je lu que le résultat de l’imagination de Yannis ? Impossible pour moi de répondre.

 

Certains détails de la vie du poirier sont un peu trop énormes, ça frise le ridicule. Ça a pu paraître amusant pour certains mais franchement on n’y croit pas du tout.

De plus, lorsque Yannis entreprend de rédiger son texte, Tristan, le poirier a été déraciné. Son âme subsisterait donc à travers les sculptures qu’une artiste a réalisées dans son bois et parviendrait même à s'en détacher. J’aurais pu fermer les yeux sur ce raccourci un peu trop facile et pas très crédible si le récit n’était pas encombré de platitudes et de clichés.

Être juif, c’est bien. Être homosexuel, c’est bien. Être écolo, c’est super. Tromper son mari, bof, c’est pas grave. Mais être musulman … Ouh la la c’est très mal ! Les musulmans sont des méchants vilains qui rackettent, tabassent les gens et lapident leurs femmes.

Merci M. Van Cauwelaert de contribuer à la pensée unique qui alimente et véhicule ce genre de préjugés nauséabonds. N’est-ce pas vous qui, pourtant quelques pages avant la fin de votre roman, condamnez les penchants haineux et égoïstes des êtres humains et les encouragez à plus d’empathie ?

 

Quant à l’idée d’une nature vengeresque qui ferait payer à l’espèce humaine le mal qu’elle lui fait, ça m’a fortement rappelé ceci :

 

 


 

 

 

 

C’est dommage, je l’aimais bien Tristan. Touchant, doux et mélancolique, je m’y étais attachée. J’ai apprécié aussi les quelques passages relatifs à la physiologie des arbres, c’est très intéressant.

Mais tout de même quel gâchis que ce roman car si le message d’ensemble et le concept sont louables, la façon de les exploiter n’est malheureusement pas à la hauteur.

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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 19:43

cavaliers.jpgParticiper au bouzkachi royal de Kaboul, chevaucher à travers les hauts sommets et les vallées de l’Hindou-Kouch, parcourir les allées du bazar et rester bouche-bée devant les gigantesques statues de Bouddha à Bamiyan, croiser la longue caravane des nomades Pachtous, se régaler les yeux du jeu de miroir des 5 lacs de Band-Y-Amir, courir au grand galop cheveux au vent à travers les steppes du Nord de l’Afghanistan, vivre une incroyable aventure humaine où se combattent fierté, honneur, cupidité, voilà ce qui vous attend à la lecture du magnifique roman Les cavaliers de Joseph Kessel.

 

Ouroz, fils du grand tchopendoz Toursène à la renommée sans égale, veut marcher sur les traces de son père. Accompagné de Jehol le plus beau et le plus fort étalon de toute la région, Ouroz participe à un événement unique dans l’histoire de l’Afghanistan : le premier bouzkachi royal se tenant à Kaboul devant le roi lui-même.

 

Plus qu’à un simple jeu, c’est à un combat contre lui-même qu’Ouroz doit se livrer, une lutte contre son appétit de gloire, une lutte contre le déshonneur. Son orgueil, cette tenace volonté de se surpasser et de prouver sa valeur vont le conduire très loin, par un long et périlleux voyage à travers le pays, repoussant davantage ses propres limites physiques et morales.

 

Ouroz a un caractère très dur mais j’ai l’impression que c’est une caractéristique propre aux hommes des steppes. En tant que lecteur, tantôt on l’admire et l’encourage, tantôt on le hait et on le méprise. Son comportement parfois abject et égoïste va même corrompre la plus charitable et dévouée des âmes.

 

De son côté, le grand Toursène effectue un même itinéraire intérieur. Son honneur et sa dignité lui font mal accepter sa vieillesse et le fait que son fils puisse le remplacer.

 

Les cavaliers, c’est aussi un beau roman sur la relation d’un père à son fils, le premier jalousant le second, le second cherchant à surpasser le premier. Il faudra les sages conseils de Guardi-Guedj L’Aïeul de Tout Le Monde pour les guider sur la bonne voie.

 

Mais le véritable héros de cette incroyable épopée reste Jehol, le courageux et vaillant étalon qui prouvera à plusieurs reprises à quel point il concentre à lui seul bien plus de qualités humaines que tous les personnages du livre réunis.

 

Bref, j’ai adoré ce roman, je suis complètement envoûtée et emportée par ce souffle épique d’une force incroyable. Les descriptions sont grandioses servies par une plume magnifique et poétique. Joseph Kessel immerge complètement son lecteur dans l’ambiance par des détails sur les coutumes, traditions, légendes, superstitions, sur la culture, la cuisine, le mode de vie afghans. Il nous en décrit toute la richesse, la diversité, toute la subtilité.

Il dépeint ses personnages avec force, nous livre leurs introspections, leurs plus profondes pensées, leurs hésitations, leur rage. Le lecteur se laisse emporter, se fait berner par l’un, par l’autre, assiste médusé à certains revirements.

A aucun instant, on ne s’ennuie, on tourne les pages avec avidité poursuivant notre propre quête avec autant de frénésie qu’Ouroz nous entraîne dans sa folie.

 

C’est à coup sûr le plus beau voyage littéraire qu’il m’ait été donné de faire jusqu’à ce jour. Un roman dépaysant et grandiose à lire sans attendre !

 

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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 12:02

dickens4ème de couverture (modifiée par mes soins):

 

Elevé, à la mort de ses parents, par le redoutable dragon domestique que le Ciel lui a donné pour sœur, Pip (Philip Pirrip) semble promis à l’existence obscure d’un jeune villageois sans fortune. C’est compter sans la bienveillance des divinités tutélaires qui veillent sur son enfance. Car Pip a le privilège de vivre au milieu de créatures singulières dont l’existence seule accrédite la croyance au miracle : il y a tout d’abord le sourire débonnaire, l’amitié protectrice et complice de son beau-frère, le forgeron Joe Gargery, puis la rencontre terrifiante mais bientôt miraculeuse d’Abel Magwitch, forçat au grand cœur, émule de Jean Valjean. Mais il y a surtout la pittoresque Miss Havisham et son éblouissante protégée, Estella. Estella au nom prédestiné, dont la froide et fascinante beauté exalte et désespère tout à la fois le jeune Pip : « J’ai regardé les étoiles et j’ai pensé que ce serait affreux pour un homme en train de mourir de soif de tourner son visage vers elles et de ne trouver ni secours ni pitié dans cette multitude scintillante. » Car les « grandes espérances » qui portent le jeune Pip ne sont pas les aspirations prosaïques de l’Angleterre victorienne, sa recherche du confort ou de la respectabilité, mais bien les puissances du rêve qui nous font chercher le bonheur au-delà de la Sagesse.

 

Mon avis :

 

Je poursuis petit à petit ce travail qui consiste à combler les lacunes dans ma culture littéraire et, grâce à mon groupe de lecture, c’est Charles Dickens que j’ai pu découvrir enfin avec le titre De grandes espérances qui, à en lire les avis ici et là, serait son chef d’œuvre.

 

Eh bien, j’ai beaucoup souffert lors de cette lecture. La faute en incombe en premier lieu aux conditions dans lesquelles je l’ai lu. J’ai repris le travail et j’ai l’esprit préoccupé par ma nouvelle activité et donc un mal fou à me concentrer sur mes lectures. D’ailleurs, je lis à une allure d’escargot. Mais la faute revient aussi à Dickens lui-même qui, je trouve, met un temps fou à mettre en place ses personnages et son intrigue.

En clair, il m’a fallu attendre 450 pages avant de pouvoir enfin m’immerger dans l’histoire et de m’intéresser à ce qu’il s’y passait. Autant vous dire que j’ai du lutter pendant tout ce temps pour ne pas lâcher le livre et poursuivre ma lecture.

Toute la partie concernant l’enfance de Pip et les débuts de son élévation sociale m’ont paru ennuyeux à mourir. Il ne se passe rien et il n’y a aucun fil rouge auquel s’accrocher. Je ne savais pas où Dickens voulait m’emmener, il n’y aucun suspense ce qui n’encourage pas à tourner les pages.

Pourtant, arrivée aux environs de la 450ème page, une surprise nous attend. J’avoue, je ne l’avais pas vue venir, du coup, mon intérêt a été éveillé et j’ai pris bien plus de plaisir à continuer. Petit à petit, Dickens nous révèle pas mal d’éléments qui nous permettent de comprendre enfin tout ce qu’on a lu avant. Le puzzle se met enfin en place . Vous me direz, 450 pages quand même, c’est long.

 

Autre chose qui m’a gênée, c’est l’impossibilité que j’ai eue à m’attacher aux personnages. Soit je les trouvais exécrables, soit je les trouvais trop naïfs, agaçants …

De même, les dialogues m’ont perturbée par leur manque de naturel, j’avoue parfois que je ne comprenais absolument rien de ce qu’il se disait.

 

Dans l’ensemble, ce roman est le récit de l’ingratitude, celle de Pip qui, une fois fortune faite, oublie ceux qui l’ont aimé et soutenu dès le début. Dickens nous décrit aussi les revirements de comportements des personnages face à cette élévation sociale inattendue. Mais j’ai aussi été déçue par le traitement de cette élévation sociale. Je m’attendais à un Illusions perdues à l’anglaise mais pas du tout. Le thème est ici beaucoup moins fouillé et ne sert qu’à mettre en valeur l’ingratitude et l’égoïsme de Pip.

J’ai bien aimé aussi cette histoire de vengeance de Miss Havisham qui, parce qu’elle a eu le cœur brisé par un homme, élève sa fille adoptive dans la haine des hommes.

Finalement, on peut tirer de jolies morales de ce roman : le bonheur n’est pas toujours dans la réalisation de ses rêves et il est impossible de se protéger des souffrances du cœur sans en souffrir d’une autre manière.

 

Certains passages sont très drôles ( je pense surtout à la scène du théâtre où Mr. Wopsle joue Hamlet ) et il y a pas mal d’éléments qui ressortent par leur originalité ( le Château de Mr. Wemmick, le comportement de la famille Pocket … ). Les descriptions de paysages sont magnifiques et réalistes, on s’y croirait. Néanmoins, j’ai eu du mal avec le style que j’ai parfois trouvé très lourd, peut-être est-ce du à la traduction* ( il y a quelques coquilles d’ailleurs).

* après recherches, je confirme : la traduction de Charles Bernard-Derosne est unanimement jugée trop lourde. Aux futurs lecteurs, je conseille donc la traduction de Sylvère Monod beaucoup plus fluide et juste.

 

J’ai donc bien failli abandonner ma lecture : intrigue trop longue à se mettre en place, dialogues étranges et parfois trop burlesques, personnages antipathiques et agaçants, pas de suspense, impression d’aller nulle part.

Mais je voulais comprendre en quoi ce livre pouvait être un chef d’œuvre et en quoi Dickens était considéré comme un grand écrivain. Je suis donc contente d’avoir poursuivi ma lecture jusqu’au bout mais je ne suis pas certaine de renouer avec Dickens. J’ai trop souffert ici. D’après ce que j’ai lu, Dickens était un grand rival de Thackeray. Eh bien, très franchement, je pense que Thackeray lui est bien supérieur. De grandes espérances ne me laissera pas un souvenir impérissable mais La foire aux vanités en revanche restera un de mes plus gros coups de cœur.

 

 

 

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17 avril 2013 3 17 /04 /avril /2013 12:31

l-ensorcelee.gifJ’ai fait la connaissance de Jules Barbey d’Aurevilly lorsque j’étais encore au lycée. Notre prof de français nous avait demandé de lire Une vieille maîtresse. Je me souviens d’avoir beaucoup apprécié cette lecture malgré une première moitié du livre ennuyeuse à mourir et qui aura eu raison du peu de courage de mes camarades de classe de l’époque. Mais pour les quelques rares téméraires qui ont poursuivi la lecture jusqu’au bout, leur volonté aura été récompensée par une deuxième moitié absolument passionnante pour laquelle je me rappelle mon enthousiasme.

Je n’avais pas renoué avec Barbey depuis lors, bien que ma bibliothèque comptât parmi ses rayonnages deux autres œuvres de cet auteur. J’ai donc proposé l’une d’entre elles, L’ensorcelée, en lecture commune. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre et j’ai abordé ce roman sans aucun a priori. Et la surprise fut plutôt agréable.

 

L’ensorcelée est un roman qui oscille entre le fantastique et le réel. Barbey y a mis tous les ingrédients caractéristiques d’un roman fantastique : des personnages énigmatiques, une lande désolée et lugubre, des scènes étranges, des légendes et des superstitions, un brin de sorcellerie bref … un véritable cocktail détonnant.

Et parmi ces personnages énigmatiques, on compte surtout l’abbé de la Croix-Jugan, cet homme mystérieux qui fait tourner les têtes et le cœur des femmes jusqu’à leur complet dépérissement.

L’auteur l’assimile souvent à la figure du Diable, de par son aspect physique tout d’abord mais aussi par son comportement froid et distant. Le lecteur est pourtant dans la confidence et connaît l’histoire de l’abbé contrairement aux autres personnages. Mais malgré ça, il est resté quand même pour moi doté d’une aura mystérieuse tout au long du récit car finalement on ne sait pas tant de choses que ça sur son compte. Tantôt on le croit sans cœur et tantôt on le voit voler au secours d’une pauvre vieille mourante.

C’est une façon assez cruelle pour l’auteur d’aborder le thème de l’amour non partagé. La pauvre Jeanne n’est pas la première victime de l’abbé ce qui lui donne une dimension mystérieuse supplémentaire, comme si l’abbé avait le pouvoir d’ensorceler ses admiratrices. Que le lecteur ne s’imagine pas obtenir une explication à tout ça, il devra se contenter de son imagination et de ses propres suppositions.

 

Cette histoire de l’abbé de la Croix-Jugan nous est rapportée par le narrateur qui la tient lui-même d’un fermier rencontré au hasard d’un voyage et complétée ensuite par ses propres recherches. Le procédé est intelligent car il excite la curiosité du lecteur. Qui n’aime pas qu’on lui raconte les vieilles histoires, les légendes d’un village ou d’une région ?

Qui plus est, Barbey nous relate tout ça dans un style magnifique où il n’hésite pas à utiliser le patois local normand ce qui donne encore plus d’authenticité et de réalisme au texte.

Il ancre son récit dans un contexte particulier qui est celui de la chouannerie normande. Il est vrai qu’en ce qui concerne la chouannerie, on pense surtout à la Vendée et j’ai trouvé très intéressant que Barbey nous parle de ce qu’il en était de ce mouvement contre-révolutionnaire dans une autre région ( la sienne et aussi celle où j’ai grandi ). Le contexte lui donne d’ailleurs l’occasion de nous exposer ses vues politiques : clairement royaliste, Barbey nous dresse un portrait très sombre et pessimiste de la France sous la République puis l’Empire.

 

J’ai donc beaucoup apprécié cette lecture, son côté à la fois fantastique et réel, le savant dosage des éléments fantastiques qui nous fait parfois douter, l’immersion dans la vie d’une région au temps de la chouannerie, le fait que Barbey soit très cru dans les faits qu’il raconte. Violence des actes et violence des sentiments, il n’épargne en rien le lecteur.

Un roman très fort, puissant où l’on ne s’ennuie pas à un seul instant. Il ne me reste plus qu’à sortir Les Diaboliques de ma bibliothèque.

 

Les avis aussi enthousiastes de Marie et Jérôme.

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