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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 22:07

Ma décision est prise, je quitte Overblog et je m’installe chez Blogger.

Je remercie infiniment tous ceux qui ont commenté l’article précédent et m’ont ainsi aidée à prendre cette décision.

Contrairement à ce que j’avais écrit, je me suis finalement lancée dans la longue tache de copier coller mes articles. Pour me donner moins de travail, je ne rapatrie que les chroniques de livres et je laisse les billets de tags, challenges, acquisitions livresques et autres sur l’ancien blog.

Je répondrai au commentaire de chacun d’entre vous au fur et à mesure et je vous remercie encore pour votre soutien et le témoignage de votre fidélité, ça me touche énormément !

 

Voici désormais ma nouvelle adresse : http://cherrylivres.blogspot.com

 

N’hésitez pas à me signaler toute erreur ( lien défectueux, oubli quelconque ou gadget qui ne fonctionne pas …) et même à me suggérer des idées de présentation. Dites-moi aussi ce que vous pensez du nouveau design. Est-ce que le blanc de l’arrière-plan ne vous pique pas trop les yeux ?

 

Il y a bien quelques options que je ne retrouve pas sur blogger et qui me manquent un peu mais dans l’ensemble, l’interface est très agréable et pratique.

J’aurais effectivement pu rester et utiliser adblock mais il est trop lourd pour mon vieux PC qui tourne déjà difficilement. Et je ne veux pas imposer la publicité aux visiteurs non équipés de ce logiciel. De toutes façons, la question se serait reposée lors de la mise à jour obligatoire et du passage à la version Kiwi dont je déteste l’interface et la gestion des images.

 

Je vous invite donc tous à me rejoindre pour suivre mes aventures littéraires sur blogger et vous remercie à nouveau chaleureusement !

 

 

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5 août 2014 2 05 /08 /août /2014 13:17

Comme vous avez pu le constater en venant lire ce billet, mon blog est à présent pourri par les publicités.

Nouvelle politique de la plate-forme overblog ! Si on souhaite garder son blog tout propre et vierge de pubs, il faut passer à la version premium qui est, bien sûr, une version payante.

 

Je n’ai pas les moyens de payer pour mon blog et même si je les avais, je refuse de cautionner et de me soumettre à ce chantage abject.

 

Ajoutons à cela que mon blog passera très prochainement et de façon obligatoire et irréversible à la nouvelle version kiwi tant décriée par les copinautes hébergés sur overblog.

 

La question se pose à moi : que faire ?

 

J’ai souvent pensé à arrêter de bloguer mais j’aime trop ça pour m’y résoudre. Mais là, je dois dire que j’ai l’impression qu’on me force la main.

Je me suis renseignée pour déménager mon blog sur une autre plate-forme mais il s’avère qu’overblog a tout prévu pour empêcher ce cas de figure et compliquer la tâche à l’extrême. Les témoignages de ceux qui se sont risqués à cette aventure sont plutôt décourageants surtout que je n’y connais rien en informatique.

 

Il ne me reste qu’une seule option : tout recommencer ailleurs. Il est bien entendu hors de question que je copie colle mes articles sur le nouveau blog, l’ampleur de la tâche m’effraie. Quand bien même, je perdrais tous vos commentaires, mon référencement, les liens etc…

 

Il faudrait donc que je reparte de zéro. Complètement.

En ai-je le courage ? J’avoue que je ne sais pas. Et quid de mes éditeurs partenaires ? Vont-ils accepter de me suivre si je repars du tout début ? Et vous, mes chers lecteurs ? Est-ce que je ne risque pas de vous perdre en cours de route ?

 

Si vous êtes déjà passés par là, n’hésitez pas à me faire part de votre expérience, de vos conseils. Ou même si vous n’avez pas connu ce problème, que me conseillez-vous ?

 

 

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8 juillet 2014 2 08 /07 /juillet /2014 11:56

dalrympleIl y a 4 ans, je préparais le concours du Capes en histoire et la question au programme d’histoire contemporaine portait sur l’empire britannique. En étudiant un tel sujet, on ne peut pas passer à côté de la colonisation de l’Inde et d’un événement marquant de cette période : la révolte des cipayes de 1857.

Cette mutinerie des soldats indigènes engagés aux côtés des britanniques fut une des premières manifestations du rejet de l’occupant et un fait précurseur dans le développement du mouvement nationaliste indien . Trois raisons sont généralement invoquées pour expliquer la rébellion des soldats : l’envoi de certains d’entre eux outre-mer ( en contradiction avec le système de caste pour les Hindous), l’annexion d’une région dont d’autres étaient originaires et enfin l’utilisation d’un nouveau fusil obligeant les cipayes à retirer les cartouches avec leurs dents alors que celles-ci sont enduites de graisse animale.

Mais bien avant ces faits déclencheurs, le ver était déjà dans le fruit. Le mécontentement grondait déjà au sein des rangs. En effet, nombre d’entre eux étaient des survivants de la première guerre anglo-afghane de 1839-1842 qui fut un véritable désastre tant en pertes humaines qu’en prestige pour l’empire. Dans les manuels de concours, cette guerre n’était que très brièvement évoquée comme si elle n’était qu’un événement annexe et secondaire.

Je suis stupéfaite, après ma lecture du récit époustouflant de William Dalrymple, de constater à quel point cette guerre était très loin d’être une petite opération sans importance mais un véritable revers pour la politique, la diplomatie et la grandeur de l’empire !

 

durrani-Shuja.jpgEn 1809, le Shah Shuja qui règne sur ce qui n’est alors que le royaume de Kaboul ( et non encore l’Afghanistan tel qu’on le connaît) est chassé de son trône par Dost Muhammad Khan représentant de la famille rivale à celle régnante. Le Shah s’abrite d’abord au royaume Sikh dont le roi le dépouille de ses biens avant de l’emprisonner. Shah Shuja parvient tout de même à s’enfuir et se réfugie sous la protection des britanniques alors bien installés en Inde. En Asie, la Russie et la Grande-Bretagne sont donc les deux puissances dominantes. L’influence des russes à la cour persane inquiète les britanniques, ils croient leurs possessions asiatiques menacées. Commence alors le Grand Jeu.

Le Shah de Kaboul est une aubaine pour les britanniques qui voient là le moyen de faire de l’Afghanistan un état-tampon qui les protégerait d’éventuelles attaques russes. Sous la pression de fausses rumeurs propageant l’idée que l’armée russe va marcher sur Kaboul, le gouverneur en poste de la compagnie des Indes, George Auckland, prend alors la décision d’aider Shah Shuja à retrouver son trône, le roi afghan devenant ainsi une marionnette aux mains de ses protecteurs. Mais Auckland ne sait pas encore dans quel bourbier il est allé se fourrer !

 

Dans Le retour d’un roi, William Dalrymple fait de cette première guerre anglo-afghane une grande fresque historique absolument passionnante et richement documentée. Il inclut dans son récit des extraits de correspondances, de mémoires, de journaux, de chroniques, aussi bien britanniques qu’afghanes. En effet, William Dalrymple est historien. Pour écrire ce récit, il s’est rendu sur place et a trouvé au fin fond d’une librairie une série de sources afghanes oubliées de l’historiographie occidentale jusqu’alors essentiellement orientée du point de vue britannique. Ces nouvelles sources ont permis de mieux connaître la vision afghane du conflit, de mieux comprendre les motifs et enjeux de la rébellion. Lorsque les multiples versions d’un fait divergent, il les présente toutes en les critiquant et en proposant celle qui lui paraît être la plus pertinente. L’ouvrage est également agrémenté de cartes, plans, illustrations, de biographies et d’une longue et riche bibliographie. Il ne s’agit donc pas d’un roman mais bien d’un récit basé sur des faits vérifiés, aucun détail n’est fictionnel et pourtant le tout se lit comme un roman :

 

“The aim is to get something that, while strictly non-fiction, from what is strictly in the archives, reads like fiction.”

“You can't say 'It was a sunny day' unless something in the archives says that the sun was shining on that particular day.”

 

Le récit est donc constitué de nombreux extraits de ces archives plongeant le lecteur au coeur de l’événement. William Dalrymple rend ainsi la vie à tous ces protagonistes en nous faisant partager leurs pensées et sentiments les plus intimes ainsi que leur vision des faits auxquels ils assistent et participent.

 

bolanpass.jpgAprès avoir lu Le retour d’un roi, il est difficile de ne pas voir en cette guerre entre britanniques et afghans un précédent de celle survenue récemment. Dans son dernier chapitre, William Dalrymple revient sur les similitudes et les différences entre ces deux conflits. Mais à travers l’histoire de ce pays, une constante se dégage : celle d’un peuple qui refuse obstinément et à raison une ingérence étrangère dans les affaires de son pays. Les caractéristiques extrêmes de son relief, de sa géographie, de ses populations sont un avantage indéniable pour ses dernières qui maîtrisent très bien le terrain. La méconnaissance des us et coutumes, de la vie des habitants et tout simplement du pays est un lourd handicap souvent déterminant. Ce qui a fait dire au major Broadfoot : « Nous échouons par ignorance. »

 

Par ignorance mais aussi par excès d’orgueil et d’incompétence. J’ai été sidérée de voir à quel point le pouvoir britannique a accumulé les erreurs stratégiques. Les officiers les plus compétents étaient écartés au profit d’autres totalement incapables et ignorants des questions afghanes. Ces mêmes officiers ont conduit l’armée britannique à la déroute la plus complète par leur obstination à ne pas écouter les conseils de leur entourage et notamment ceux de Shah Shuja qu’ils estimaient faible et inapte à gouverner. Pourtant le monarque s’est révélé bien plus perspicace que prévu.

 

Après avoir lu Le retour d’un roi et effrayé par sa lecture et les analogies entre sa situation et celle de son prédécesseur, le président Hamid Karzai invita William Dalrymple à Kaboul :

 

"Karzai called me to Kabul during Ramadan last year to talk to him about his forbear, Shah Shuja"

"Karzai refuses to be the West's puppet as he's determined not to repeat the mistakes of his ancestor"

 

Le plus extraordinaire est de constater l’impact qu’a eu cette lecture sur le président. William Dalrymple a même été contacté par l’ambassadeur britannique en place à Kaboul pour l’informer du durcissement des relations. A la suite de sa lecture, le président Karzai était devenu plus intransigeant.

 

Dost-Mohammad-Khan.jpgWilliam Dalrymple nous apprend également que cette guerre est restée très vivace dans les mémoires afghanes. Tout afghan connaît le nom des principaux protagonistes là où les britanniques les ont jetés aux oubliettes. Le chef spirituel des talibans, le mollah Omar, a d’ailleurs entériné sa prise de pouvoir par un geste identique à celui de Dost Mohammad Khan dans les mêmes conditions. Un autre aspect étonnant et qui conforte la ressemblance entre les deux situations est la configuration tribale de l’Afghanistan qui est sensiblement identique aux deux époques. D’ailleurs le mollah Omar est rattaché à la famille des Ghilzai, belle-famille de Dost Mohammad Khan tandis que le président Karzai est, lui, descendant du Shah Shuja. On comprend d’autant plus l’effet qu’a pu avoir l’histoire du Shah sur lui.

 

Le retour d’un roi est donc le résultat d’un travail de recherche et confrontation des archives remarquable et rigoureux . Ce récit historique magistral offre pour la première fois un regard inédit et complet sur la première guerre anglo-afghane qui régalera tous les amateurs de grandes fresques historiques ainsi que tous ceux qui s’interrogent sur l’Afghanistan.

 

Un immense merci à Babelio et aux éditions Noir sur Blanc pour cette fabuleuse lecture enrichissante !

Et bravo aux éditions Noir sur Blanc pour le travail d'édition remarquable. Le livre est magnifique avec un papier de qualité et un encart central contenant de très belles illustrations.

 

coup-de-coeur-cerise-copie-1.jpg

 

http://vimeo.com/98909818 intervention de William Dalrymple au festival Etonnants Voyageurs 2014

 

La page consacrée à ce livre sur le site des éditions Noir sur Blanc

 

 

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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 15:35

priestLe continent africain est ravagé par une guerre nucléaire. Des réfugiés affluent en masse sur les côtes occidentales. La Grande-Bretagne doit accueillir sur son sol plusieurs centaines de milliers de ces survivants mais les autorités sont dépassées et peinent à organiser leur prise en charge. De nombreux africains se retrouvent livrés à eux-mêmes dans un pays qu’ils ne connaissent pas. Les heurts et les incidents avec la population locale ne se font pas attendre. Au même moment, un gouvernement conservateur et extrémiste est porté au pouvoir.

 

En 1971, Christopher Priest publiait son premier roman d’anticipation Fugue for a darkening island, traduit en français sous le titre Le Rat Blanc.

Cette année paraît une version revisitée de ce même roman : Notre île sombre. Les raisons qui ont poussé Christopher Priest à reprendre son texte initial trouvent leur origine dans deux critiques parues à l’époque et qui accusaient Priest de prendre parti politiquement. Bien que la rédaction de son roman fut influencée par l’actualité du moment, à savoir les violences quotidiennes en Irlande du Nord et l’arrivée d’un flux massif de migrants indiens, Christopher Priest se défendait d’avoir écrit selon une quelconque visée politique. Félicité d’abord d’avoir dénoncé un racisme latent dans la société britannique, il fut ensuite et de façon contradictoire accusé lui-même de xénophobie. Afin de mettre les choses au clair de ce côté, l’auteur a donc souhaité réécrire son texte en l’expurgeant de tout passage susceptible de mener à une éventuelle interprétation sur ses propres opinions. Christopher Priest avait pour unique but de décrire et proposer un aperçu des effets d’une situation catastrophique.

 

Le thème du roman reste très actuel. L’immigration et l’intégration des étrangers demeurent des sujets brûlants de notre actualité. Parmi les réactions à cette situation tendue, deux tendances se dessinent nettement. D’un côté, les défenseurs de l’identité nationale exigent une assimilation totale du migrant ou son renvoi définitif si refus de se conformer aux us et coutumes du pays accueillant. De l’autre, les partisans du vivre ensemble prônent la tolérance, la diversité des cultures est pour eux une source de richesse.

Mais une troisième tendance est souvent oubliée et c’est à celle-ci que Christopher Priest donne la parole.

Son personnage principal Alan Whitman est un homme lambda, bon citoyen issu de la classe moyenne, enseignant, marié et père de famille, il possède un pavillon confortable en banlieue londonienne. A première vue, Alan n’a rien contre les étrangers. Il mène sa vie, une vie finalement médiocre. Son mariage n’est pas heureux, il cumule les infidélités sans jamais chercher à se définir une bonne fois pour toutes. Il ne cherche pas particulièrement à résoudre ses problèmes matrimoniaux et encore moins à se remettre en question. C’est un homme plutôt faible, un suiveur. Mais la situation brutale dans lequel le pays est plongé va le pousser à prendre ses responsabilités et des décisions, à s’affirmer. Le basculement de sa personnalité et de sa position relative aux Afrims ( nom donné aux africains réfugiés) se fait progressivement tout au long du roman.

 

La narration se fait à la première personne et alterne entre plusieurs périodes de la vie de Alan. L’alternance n’est pas chronologique et le lecteur est baladé dans le temps. Petit à petit, au fur et à mesure de l’avancement de la lecture, on reconstitue sa vie mais aussi l’ordre des évènements à l’échelle du pays. Les réactions de la population, les mesures du gouvernement, l’intervention de l’ONU et de diverses organisations, la constitution de milices, de groupes armés constituent un paysage de chaos décrit minutieusement par l’auteur. Les détails sont si plausibles que ça en fait froid dans le dos : expropriation des résidents locaux, rues barricadées, enlèvement des femmes et constitution de réseaux de prostitution. Des milliers de britanniques sont condamnés à errer sur les routes. Certains se regroupent et s’organisent pour se protéger et survivre, d’autres pour combattre les Afrims. Et on constate avec stupeur le maintien de certaines zones « protégées » qui vivent repliées sur elles-mêmes totalement coupées du monde extérieur, regardant les évènements se déroulant à quelques kilomètres de chez elles comme si c’était à l’autre bout du monde.

 

Roman catastrophe, Notre île sombre offre une idée de l’extrémité dans laquelle nous pourrions tomber dans le cas où les pays riches occidentaux continuaient à considérer le reste du monde avec condescendance et mépris. L’époque coloniale est censée être révolue mais les mentalités nationalistes et identitaires persistent et notre actualité montre leur ascension chaque jour plus évidente. Christopher Priest ne donne pas de solution mais a tiré, dès 1971, la sonnette d’alarme.

A lire absolument !

 

J'avais repéré sur Babelio l'ancienne version de ce roman sous le titre Le Rat Blanc que je m'étais empressée d'ajouter à ma wish-list. Je me sens en effet de plus en plus concernée et touchée par les problèmes d'immigration et d'intégration ainsi que par la montée des extrémistes. Il faut croire que l'homme s'obstine à ne pas apprendre des leçons de l'Histoire pour qu'il saute à pieds joints dans les mêmes pièges et refasse sans cesse les mêmes erreurs. Je remercie donc infiniment Dana et les éditions Denoël pour m'avoir donné l'occasion de découvrir enfin ce roman qui m'intriguait tant. Et un grand bravo pour la magnifique couverture !

 

 note cerise5

 

Notre île sombre - Christopher Priest

Editions Denoël

Traduction : Michelle Charrier

Parution : 13/05/2014
208 pages

 

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 19:13

todo-modo.gifAlors qu’il roule tranquillement sur les routes de campagne, le narrateur, un peintre célèbre, voit sa curiosité éveillée par un panneau annonçant la proximité d’un ermitage.

La bâtisse n’est pas avenante mais la rencontre étonnante avec le supérieur du lieu, Don Gaetano, convainc notre narrateur de rester sur place. Mi-monastère, mi-hôtel, l’ermitage Zafer est en réalité un lieu de réunion régulier des grands de la société italienne : politiciens, magistrats, financiers … L’élite italienne s’y retrouve donc pour des « exercices spirituels » qui se révèlent être en réalité autant d’occasions de nouer des liens, faire des affaires et décider des grandes lignes de la politique à venir.

Derrière cette apparente respectabilité, ce sont toutes les coulisses du pouvoir que Leonardo Sciascia dénonce. D’ailleurs, une série d’assassinats vient troubler le bon déroulement du séminaire.

 

A l’époque où Sciascia écrit ce texte, l’Italie voit sa scène politique partagée entre deux partis : la Démocratie Chrétienne ( DC) et le Parti Communiste. La DC conserve le pouvoir depuis le lendemain de la guerre jusque dans les années 1990 où l’opération « Mains propres » lui portera un coup fatal. En effet, cette opération consistera en une série d’enquêtes visant à mettre au jour tout un système de corruption des partis politiques.

Dans ce roman politico-policier Todo Modo, c’est ce système qui est pointé du doigt par l’auteur ( le roman est paru en 1974, il aura fallu plus de 20 ans pour que le « nettoyage » soit effectué). Ainsi, les exercices spirituels de l’ermitage consistent plus en une forme de tentative d’expiation des péchés commis bien qu’ils soient aussi le prétexte à la fomentation d’autres complots et magouilles en tout genre ainsi qu’en la possibilité pour ces messieurs de sortir des convenances du mariage et de la scène publique. Leurs maîtresses les attendent donc afin d’ajouter aux exercices de « libération de l’esprit » des exercices de « libération du corps ».

Et tout cela sous le regard de Don Gaetano, prêtre hors du commun, à la lucidité, l’intelligence et la culture impressionnantes. Il semble pourtant dénué de tout sens de la moralité telle qu’on serait en droit de l’attendre d’un membre du Clergé. Pourquoi Don Gaetano, homme si éclairé et pourtant pieux, tolère ce genre de dépravation sous son toit ?

A l’entendre ( ou à le lire), c’est un homme parfaitement conscient de la nature humaine et de ses vices au point que même les membres du Clergé n’y peuvent échapper malgré tous leurs efforts.

 

« Je crois que le laïcisme, celui par rapport auquel vous vous dites laïques, n’est que l’envers d’un excès de respect pour l’Eglise, pour nous autres prêtres. Vous appliquez à l’Eglise, à nous-mêmes, une espèce d’aspiration perfectionniste mais tout en restant commodément au-dehors. Nous ne pouvons vous répondre qu’en vous invitant à entrer et à essayer, avec nous, d’être imparfait… »

 

« Mais songez, si l’homme avait accordé à l’eau, à la soif, à la boisson ( par l’effet d’un ordre différent de la création et de l’évolution), tout le sentiment, la pensée, les rites, les légitimations et les interdits qu’il a accordé à l’amour : il n’y aurait rien de plus extraordinaire, de plus prodigieux que de boire quand on a soif … »

 

A travers la complaisance de Don Gaetano envers ses hôtes, Sciascia dénonce aussi les rapports étroits entre le monde politique et l’Eglise accusant ainsi celle-ci de complicité directe avec les milieux corrompus.

 

Surviennent alors les meurtres. La police intervient guidée par le narrateur dans une sorte de jeu de pistes qui n’est pas sans rappeler ceux des romans d’Agatha Christie. Mais l’enquête  ne mène nulle part. La fin apporte un élément de réponse qui, pourtant, ne solutionne pas tout et laisse le lecteur totalement perplexe. Mais pour savoir qui est l’auteur de ses crimes, il faut connaître le mobile. Or, de mobile, on n’en trouve pas. Les indices et les témoignages se contredisent, s’entremêlent comme autant de fils formant un noeud inextricable. Tous sont suspects, tous peuvent avoir un mobile, inutile donc d’essayer de remonter une éventuelle chaîne de causalité. Bien loin des traditionnels romans policiers à la trame logiquement organisée et ficelée par l’auteur, Todo Modo reste, lui, à part et bien plus ancré dans la réalité puisqu’il en reflète complètement la complexité. Tous les crimes ne sont pas élucidables et finalement, peu importent les causes, les effets sont là. Le titre est d’ailleurs tiré d’une citation d’Ignace de Loyola ( fondateur des jésuites) : « Tous les moyens sont bons pour atteindre la miséricorde divine ». Tous les moyens sont bons pour parvenir ou maintenir son pouvoir, il n’y a pas d’hésitation, encore moins de scrupules.

 

Roman engagé, Todo Modo ne se lit pas comme un simple roman noir, il est bien plus que cela. C’est un roman surprenant par son message, sa peinture du monde politique et clérical italien et par son personnage central exceptionnel Don Gaetano. Parsemé de références philosophiques et littéraires ( Pirandello principalement mais aussi Edgar Allan Poe …), de citations, c’est un roman exigeant et étonnant qui rappelle Le nom de la rose d’Umberto Eco par l’ambiance et le lieu, Agatha Christie pour l’enquête ou encore Dostoïevski et son inspecteur Petrovitch pour les dialogues entre le narrateur et Don Gaetano.

 

En suivant donc les pas de ce narrateur, dont on ignore l’identité jusqu’à la fin, et grâce à sa position de témoin et à une narration à la première personne, le lecteur se retrouve au cœur d’un complot politique, d’une toile dans laquelle il finit par se retrouver lui-même piégé et étourdi. Leonardo Sciascia mène son texte de façon érudite et je ne suis pas certaine d’en avoir saisi toutes les subtilités. Les citations qui ouvrent et closent le roman me sont restées quelque peu hermétiques. Quel est donc le fin mot de l’histoire ? A chaque lecteur de se faire son idée …

 

Merci à Dana et aux éditions Denoël pour cette troublante lecture.

 

Todo Modo - Leonardo SCIASCIA

Editions Denoël

Traduit de l'italien par René Daillié

Traduction revue et corrigée par Mario Fusco

160 pages

Parution : 04/06/2014

 

 note cerise4

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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 11:26

les_cavaliers_afghans.jpgLes voyages forment la jeunesse.

 

Nous sommes en 2002. Fraîchement diplômé de son école de commerce, Louis Meunier n’est pas pressé d’intégrer le marché du travail. Il décide de faire une pause et de s’engager dans une ONG. Le voilà prêt à partir en Afghanistan. La veille de son départ, un ami lui conseille la lecture des Cavaliers de Joseph Kessel. Et avant même d’avoir mis les pieds sur le sol afghan, voilà notre jeune aventurier déjà sous le charme de la culture et des paysages qui l’attendent. Une idée fixe germe en lui : partir sur les traces d’Ouroz et devenir tchopendoz.

Quiconque aura lu Les cavaliers de Kessel ne pourra que comprendre Louis et sa soif de découverte. C’était mon cas et j’étais très curieuse de suivre Louis dans son périple et de pouvoir vivre à travers lui ce fabuleux voyage dont m’avait fait rêver Joseph Kessel.

 

Louis Meunier se rendra à plusieurs reprises en Afghanistan. Chaque partie du récit est dédiée à un voyage. Le premier concerne sa mission au sein de l’ONG et raconte ses premiers pas dans le pays, ses premières difficultés, ses premières rencontres. Il fait connaissance avec le monde du buzkashi et ses tchopendoz, se familiarise avec la culture équestre locale.

Sa mission terminée, Louis rentre en France mais l’appel des contrées sauvages le taraude. Il repart avec un projet bien précis en tête : effectuer, à l’instar d’Ouroz, une expédition à cheval à travers une partie du pays. Muni de laissez-passer, Louis part accompagné de son guide Shams et de 3 chevaux.louis-meunier-minaret.jpg Le voyage n’est pas sans risques. Les talibans et des bandits rôdent dans les parages. Les rencontres sont diverses, souvent positives, parfois décevantes et inquiétantes. Mais c’est l’occasion de découvrir l’extrême richesse et diversité des peuples afghans, leur culture, leur mentalité, leur mode de vie au quotidien. Par exemple, il est étonnant de constater les différences du statut des femmes d’une ethnie à l’autre. La curiosité des autochtones envers Louis donne aussi lieu à des situations et des dialogues plutôt cocasses.

 

Bien que pour un étranger, cette diversité soit perçue comme une richesse, du point de vue local, cette situation créé autant d’occasions de confrontations et est source de racisme. La hiérarchie sociale est très marquée et cloisonnée. La loi du talion et la vendetta règnent, signes de l’absence d’autorité suprême reconnue et capable d’unification.

Louis Meunier explique ainsi l’impact de l’intervention des occidentaux sur la politique et l’économie locale, bouleversant les relations sociales, les coutumes et la tradition. Vus dans un premier temps comme des libérateurs après que les armées occidentales aient renversé le régime taliban, les étrangers sont peu à peu jugés responsables des désordres et ne sont plus désirés. La méfiance voire la haine supplantent la règle d’hospitalité afghane qui veut que la présence d’un étranger soit un honneur pour celui qui le reçoit.

Cette dérive est très visible dans le récit de Louis comme le montre par la suite un grave incident survenu à son guide.

 

Malheureusement, l’expédition de Louis ne peut être menée à son terme. La vie dans les grands espaces a un prix. Louis doit être expatrié en urgence pour revenir aussitôt comme employé dans une entreprise implantée à Kaboul. Dégoûté de la vie superficielle et consumériste menée en occident, il est bien décidé à réaliser son rêve et devenir tchopendoz. Il intègre alors la première équipe de buzkashi de Kaboul.bouzkachi-afghan.jpg

 

Plus qu’un simple récit de voyage, Les cavaliers afghans est le résultat d’une expérience humaine incroyable, celle de s’être immergé au sein d’une population extrêmement diversifiée que seuls l’islam, le cheval et le jeu du buzkashi semblent souder et d’un pays qui n’a connu que la guerre depuis 50 ans. Les différentes rencontres de Louis permettent de connaître le véritable visage de l’Afghanistan à travers des témoignages personnels et des échanges enrichissants. On apprend énormément. J’ai beaucoup aimé vivre cette aventure par procuration, retrouver ces paysages à couper le souffle parsemés des vestiges de l’époque soviétique et des traces de la misère et du trafic d’opium souvent seule alternative pour les paysans appauvris.Band_e_Paneer.jpg

Je déplore seulement le peu de détails sur la carte en fin d’ouvrage et l’absence totale de photographies.

Néanmoins, je conseille fortement cette lecture à tous les amoureux de grands espaces, tous les lecteurs éblouis de Kessel et tous ceux qui sont curieux de savoir comment un étranger peut vivre dans un pays en guerre.

Un récit dépaysant et très enrichissant à découvrir !

 

Un grand merci à Babelio et aux éditions KERO !

 

L'avis tout aussi enthousiaste de Jérôme.

 

note cerise4-copie-1

 

 Photos : http://www.worldtrailrides.com/carnetsdevoyage/afghanistan-louis-meunier.htm et wikipédia

 

                              Vallée de Bamyan                        Minaret de Jam

 bamyan_valley_afghanistan_photo.jpg Minaret_of_jam_2009_ghor.jpg

 

 

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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 21:53

haddad

« La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd. »

 

Qui se souviendra de nous lorsque nous nous serons éteints, si nous ne laissons derrière nous aucune famille, aucun ami, aucun héritage, aucune trace ?

Préserver la mémoire et l’œuvre de son maître, tel a été le souci de Matabei après l’événement.

Lui-même hanté par ses souvenirs, Matabei se réfugie à la pension de dame Hison, asile de tous ceux qui cherchent à fuir le monde, à s’isoler et mener une vie discrète et libre.

Le cadre est enchanteur. Le jardin, soigneusement entretenu par le maître puis par Matabei, offre un petit aperçu terrestre du Paradis.

Mais cette vie édenienne prendra fin, tout comme dans l’histoire biblique, dès lors que le péché aura été commis. Plus qu’à une chute, c’est à l’apocalypse que Matabei soit survivre.

 

Hubert Haddad parvient talentueusement à immerger son lecteur dans l’atmosphère douce du Japon. A l’instar des pensionnaires de dame Hison, le lecteur se sent hors du temps et se laisse bercer par la plume délicate et poétique de l’auteur. De nombreuses descriptions sont tout autant d’hommages à la nature luxuriante et pleine de vie de ce coin de l’archipel nippon. Les lecteurs de Pays de neige de Kawabata ressentiront comme un air familier à la fois par l’intrigue liant les personnages et par cette préséance accordée à l’environnement. Cette lecture onirique peut toutefois gêner par la surabondance de ces descriptions qui provoque à terme un effet répétitif et lassant.

 

Heureusement, la dure réalité se rappelle inopinément aux personnages et au lecteur. La lecture s’accélère, la rupture avec ce qui précède est évidente et radicale. La nature luxuriante cède sa place à un paysage de mort et de désolation. Après l’insouciance et la douceur de vivre, c’est l’errance et la tentative de retrouver ce qu’on a perdu. Mais il est plutôt temps de laisser les fantômes s’éloigner et de songer à la trace que l’on veut laisser de notre passage sur Terre. Matabei tente d’exorciser ses vieux démons en restaurant les éventails abîmés de son maître afin de transmettre ce patrimoine et d’encrer dans le papier de riz ses liens intimes et solides entre maître et élève, liens de substitution aux liens parentaux brisés ou perdus.

 

Le peintre d’éventail est un roman contemplatif d’une grande beauté. On y retrouve des traits communs à d’autres œuvres d’Hubert Haddad : la solitude, la perte de ses parents, la trahison, la nature, les conséquences désastreuses des actions humaines. Après la guerre dans Opium Poppy, c’est la dangerosité de la science qu’Hubert Haddad pointe du doigt en insérant le fictionnel dans la réalité par l’évocation du drame de Fukushima.

Le drame est matériel, environnemental, humain mais aussi sentimental, les personnages subissent le choc et le lecteur n’est pas épargné. En tout cas, ma sensibilité a fait qu’un détail inattendu de l’intrigue entre les personnages m’a à ce point surprise et attristée que j’en ai versé une larme.

L’Homme est dangereux pour la nature, la nature est dangereuse pour l’Homme. Face à sa puissance, nous ne sommes que grains de poussière aussitôt balayés d’un coup d’éventail.

 

Un grand merci à Anna et aux éditions Folio.

 

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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 18:50

ryback.jpgDis-moi ce que tu lis je te dirai qui tu es.

Je ne sais pas si cet adage se vérifie. Néanmoins, Timothy Ryback a eu l’idée d’étudier le fond de la bibliothèque privée d’Hitler et d’essayer de voir et comprendre en quoi ses lectures ont pu l’influencer.

Hitler était un grand lecteur. Il souffrait pourtant d’un complexe d’infériorité du à sa courte scolarité. Autodidacte, il se forme par les livres. Mais loin de vouloir accumuler des connaissances, il se cherche surtout des appuis, des modèles intellectuels capables d’alimenter et enrichir ses propres idées. En farfouillant ainsi dans les ouvrages qu’a possédé le dictateur, c’est l’origine de l’idéologie nazie que l’on aperçoit.

 

La bibliothèque d’Hitler n’est pas consultable dans son intégralité. A l’époque, elle était dispersée en plusieurs lieux régulièrement fréquentés par Hitler. Une bonne partie qui était entreposée au bunker est à présent éparpillée aux quatre coins du monde. Heureusement, de nombreux volumes sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis. C’est ce fond documentaire que Timothy Ryback a étudié.

Le seul examen de ce fond manquerait d’intérêt si Timothy Ryback n’avait pas enrichi son travail en l’inscrivant dans l’histoire personnelle d’Hitler et celle du parti nazi. De même, il fait régulièrement intervenir dans son texte les propos du philosophe et critique littéraire  Walter Benjamin afin d’éclairer le comportement d’Hitler en tant que lecteur.

 

Les premiers chapitres de l’ouvrage de Timothy Ryback traitent de la vie au front d’Hitler pendant la première guerre. L’auteur évoque ses quelques lectures ( des guides touristiques et des ouvrages d’architecture ) mais surtout sa vie et sa personnalité. Son premier et principal mentor, Dietrich Eckart, est également évoqué à travers les lectures qu’il a offertes à Hitler ainsi qu’en lui faisant part de ses idées antisémites. C’est l’époque où Hitler harangue les foules à la brasserie de Munich. Timothy Ryback revient alors sur les querelles qui ont présidé au choix de celui qui serait à la tête du parti, notamment sur celle qui opposa Hitler à Otto Dickel, intellectuel affirmé et auteur de Résurgence de l’Occident. Cet ouvrage, pendant optimiste du Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler, affirme qu’un nationalisme exacerbé associé à un antisémitisme déclaré permettrait à l’Europe de remonter la pente.

hitler-devant-sa-bibliotheque.jpgOn apprend également qu’Hitler était un grand admirateur de Shakespeare. Bien que sa bibliothèque contint très peu de romans fictions, on compte parmi ses préférés essentiellement des romans d’aventure comme celle de Robinson Crusoé, des romans de Fenimore Cooper et de Karl May. A côté de ces quelques fictions, Hitler possédait également les grands classiques de la littérature de guerre : l’ouvrage de Clausewitz, des récits de guerre dont celui de Lüdendorff, des manuels d’histoire, des biographies de grands dirigeants ( Alexandre le Grand, Pierre le Grand, Jules César …). On a également pu retrouver un document rassemblant les titres empruntés par Hitler à la bibliothèque d’un institut d’extrême-droite de Munich. Les lectures choisies sont très éclectiques : œuvres historiques ( sur les révolutions russes par exemple), œuvres sur la religion et la mythologie, œuvres philosophiques ( Kant, Fichte, Rousseau, Machiavel …). Tous les ouvrages antisémites y sont passés et notamment le tristement célèbre Juif international : le problème du monde d’Henri Ford et bien d’autres encore.

Timothy Ryback nous épate aussi en nous montrant la liste des lectures recommandés à tout bon nazi digne de ce nom, liste d’ouvrages qui était remise à tout nouveau membre du parti. On y trouve bien sûr les livres d’Henri Ford, de Dietrich Eckart …

 

Timothy Ryback revient aussi, dans les chapitres suivants, sur la période d’emprisonnement d’Hitler, ses conditions de détention, ses lectures de l’époque mais principalement sur la rédaction de Mein Kampf, relevant, à l’aide des manuscrits originaux, les hésitations et les corrections apportées au texte par Hitler au fur et à mesure de la rédaction. Il apporte aussi un éclairage intéressant sur la rédaction de ce texte en expliquant quelles lectures faites par Hitler à cette époque ont influencé les idées contenues dans Mein Kampf à l’image de Typologie raciale du peuple allemand de Hans F. K. Günther.

Timothy Ryback s’attarde également sur les difficultés de publication, la réception et l’accueil réservé à Mein Kampf lors de sa sortie puis comment il est devenu un « best-seller ».

On apprend également que Mein Kampf comportait deux autres volumes dont un n’a jamais été édité et dont on a jamais retrouvé le manuscrit.

 

grant.gifMa plus grosse surprise à la lecture de cet ouvrage fut de découvrir qu’Hitler avait emprunté ses idées eugénistes aux américains ! En effet, l’eugénisme est une idéologie qui existait chez les américains bien avant les nazis. Le représentant de ce courant, Madison Grant, a écrit La fin de la grande race en 1916 dans lequel il met en garde le peuple américain contre les dangers de l’immigration et le risque d’extinction de la race blanche, préconisant la stérilisation des éléments inférieurs de la société et autres horreurs du même genre. Timothy Ryback rapporte d’ailleurs que Hitler était entré en relation directe avec Leon Whitney de la société américaine d’eugénisme pour lui réclamer des ouvrages sur la stérilisation etc…

 

Autres faits évoqués, c’est cette guerre des livres et la tentative d’un ecclésiastique pour diviser les nazis qui m’ont particulièrement intéressée. En effet, en 1933, le chef idéologue du parti nazi Alfred Rosenberg rédige un ouvrage Le mythe du XXème siècle qui déclenche la colère de l’Eglise. Apologie de la polygamie et de la stérilisation forcée, le livre est porté sur les listes d’ouvrages recommandés de l’éducation nationale. Le livre de Rosenberg est mis à l’Index. Enorme publicité ! Le livre explose les records de vente. C’est alors qu’un évêque autrichien a une idée. Remarquant la division des nazis au sujet du livre de Rosenberg, il profite de l’occasion pour tenter de provoquer une véritable scission. Alois Hudal rédige alors Fondements du national-socialisme préconisant d’unir les idéologies nazie et catholique contre un ennemi commun : le bolchevisme. L’effet désiré est obtenu, les nazis sont divisés, la majorité penche en faveur d’Hudal mais les heurts entre les deux factions sont de plus en plus violents et s’étalent publiquement. Hitler doit intervenir et affirmer définitivement sa position.

 

Hitler lisantPlus qu’une simple analyse de l’influence des lectures d’Hitler sur l’idéologie nazie, Dans la bibliothèque privée d’Hitler, c’est aussi l’histoire du parti nazi à travers les livres. La démarche est originale et intelligente et le résultat passionnant. Se basant sur la présence, l’absence, la nature des traces et annotations écrites d’Hitler sur ses livres, Timothy Ryback est à même de proposer une autre histoire de cette époque. Bien qu’il soit souvent contraint à la conjecture plus qu’à l’affirmation, il nous apprend énormément de choses et invite, grâce au renfort de Walter Benjamin, à réfléchir à l’utilité de la littérature. Un ouvrage à découvrir !

 

 

 

 

 

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 20:03

duras.jpgMa première lecture de Marguerite Duras remonte à presque vingt ans. J’avais lu L’Amant suite à l’étude d’un extrait pour le bac ( j’étais même tombée dessus à l’oral). Le souvenir que j’en garde se limite à des impressions dues au cadre de l’intrigue, l’Asie coloniale, la chaleur, l’atmosphère lourde, quelques visions de persiennes laissant filtrer les rayons du soleil et les clameurs de la rue mais aussi et surtout un profond ennui.

A l’occasion du centenaire Marguerite Duras, j’ai lu Un barrage contre le Pacifique et j’ai bien cru que j’en retirerai la même chose. D’une manière générale, j’ai trouvé ma lecture assez difficile, surtout au tout début. Il m’a fallu près de la moitié du roman pour me plonger dedans et m’adapter au style. J’étais assez perplexe, j’avais l’impression de lire un livre écrit à deux mains. Des passages au style pauvre et maladroit alternant avec des envolées de toute beauté. Les personnages sont au premier abord assez antipathiques et pas du tout attachants. Leur vulgarité et leur vénalité m’ont choquée presque plus que leur misérable condition et leur malchance.

 

La première moitié du roman se consacre principalement à mettre en place les personnages et leur situation : une femme ayant perdu très tôt son mari doit se débrouiller pour pourvoir à ses besoins et ceux de ses enfants. D’abord institutrice à sa venue en Indochine, elle a du trouver d’autres postes pour nourrir les siens et se constituer un petit capital. Ce capital, représentant une bonne dizaine d’années d’économies, elle décide de l’investir dans une concession qu’elle s’engage à mettre en valeur et à cultiver. Malheureusement, son terrain est régulièrement recouvert par de hautes marées rendant toute culture impossible. Sa mésaventure ne semble pas être un cas isolé mais plutôt une arnaque bien rôdée profitant aux agents du cadastre et à l’administration coloniale. La mère et ses enfants tentent de survivre comme ils peuvent et attendent.

Ce roman est celui de l’espoir et de l’attente, l’attente de l’événement qui viendra changer leur condition, le miracle qui leur permettra de partir et de vivre enfin. La mère se démène et s’entête : la construction des barrages, ses entreprises pour caser sa fille, toutes ses tentatives se soldent par des échecs. Mais elle persiste jusqu’à s’en rendre malade et son impuissance la mène jusqu’aux portes de la folie.

L’ennui que l’on peut ressentir à la lecture de cette première partie reflète celui de cette famille qui voit les jours passer dans cette même et pénible attente, dans la lenteur du temps qui s’écoule quotidiennement tantôt à l’ombre du bungalow, tantôt sous la chaleur écrasante du bord de piste.

 

Tous les détails relatifs à la vie dans la colonie sont passionnants. Marguerite Duras brosse un portrait de l’Indochine coloniale bien loin de toute vision idyllique : la corruption des fonctionnaires coloniaux, la misère des petits colons, celle des indigènes, la ségrégation géographique des villes coloniales. Elle se livre à une véritable étude sociologique de la population coloniale, des habitants permanents, des agents de passages, les colons qui ont su profiter de la manne coloniale : plantations de latex, de riz, marchands de textiles, diamantaires, ceux qui sont contraints au trafic pour survivre : contrebande d’alcool, trafic de l’opium … A travers le personnage du caporal, les indigènes ne sont pas oubliés : la faim, la prostitution, la forte mortalité des enfants, les maladies sont autant de calamités que les colons ne cherchent même pas à enrayer.

 

Je disais donc que j’avais eu des difficultés à prendre les personnages en sympathie. Hormis la mère, qui ne peut que susciter la compassion par sa force, son courage et son espoir obstiné, j’ai trouvé Suzanne, sa fille, et Joseph, son fils, effroyablement égoïstes, vulgaires et comme le dit également M.Jo : immoraux. Ils semblent se moquer des efforts de leur mère et ne cherchent leur salut que par la fuite. Joseph attend qu’une femme et l’amour l’emmènent loin de cette vie dont il ne veut plus. Suzanne attend patiemment le long de la route qu’une des rares voitures s’arrête pour s’enfuir à son bord. Elle refusera deux bons partis auxquels elle ne s’intéressera que par intérêt et pour réconforter sa mère.

Malgré tout, peut-on les blâmer au vu des conditions de vie qui sont les leurs ? Au fur et à mesure qu’on avance dans le roman, on finit par les comprendre et on se laisse attendrir. La plume de Marguerite Duras se fait plus assurée, plus constante, plus incisive et rageuse. La lettre de la mère aux agents du cadastre est un véritable bijou, un cri de colère délectable. La longueur des chapitres s’adapte au rythme des évènements et on ressent bien cette accélération dans la deuxième moitié du roman.

 

Le titre même du roman souligne le côté dérisoire de la situation : un seul petit barrage contre la force des flots d’un océan, reflet des efforts désespérés de la mère et qui semblent si insignifiants face aux obstacles de la vie : le pouvoir, les autorités, les éléments naturels, la société, la quête du bonheur, le dénuement matériel.

 

Au final, Un barrage contre le Pacifique est un roman  qui déroute et qui nécessite, tout comme la mère, de la patience et de l’obstination pour découvrir derrière une façade d’ennui et de simplicité, un récit engagé dont l’inspiration autobiographique renforce la puissance et le tragique.

 

Un grand merci à Anna et aux éditions Folio.

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 18:41

khadija.jpgJe connaissais Marek Halter de réputation sans n’avoir jamais tenté un de ses romans. Mais lorsque j’ai appris qu’il avait pour projet d’écrire une trilogie sur les femmes de l’islam comme il l’avait déjà fait pour le christianisme, je me suis décidée à enfin découvrir sa plume.

Surtout que le premier tome de la trilogie en question se concentre sur la figure féminine de l’islam que j’admire le plus : Khadija, la première épouse du prophète Muhammad.

 

A travers le portrait de cette très grande femme, c’est l’histoire des tous premiers temps de l’islam, celle de La Mecque préislamique et celle de la révélation, que nous conte Marek Halter.

Il fait resurgir la vie quotidienne de l’époque à travers ses divers aspects. Religieux bien sûr  avec d’abord l’omniprésence et le culte des nombreuses idoles de la Kaâba puis le bouleversement lié à la révélation. La vie politique et sociale est concentrée aux mains des chefs des plus grandes familles se réunissant à la mâla au cours de laquelle sont prises les décisions. Les caravanes et les marchés illustrent la vie économique mecquoise. Le lecteur est complètement immergé dans cette atmosphère d’une ville puissante du moyen-âge oriental.

 

Ce roman met à terre tous les préjugés qu’ont bien des gens sur les femmes musulmanes. En effet, Khadija était une femme de caractère, intelligente et dotée de grandes valeurs humaines. Veuve, elle avait hérité de la fortune de son mari et était ainsi à la tête d’une des familles les plus riches de La Mecque. Sa condition de femme ne lui permettant pas d’être présente à la mâla et d’ainsi pouvoir faire entendre sa voix, elle se devait de trouver un époux qui veillerait à la défense de ses intérêts et de ceux de la ville contre les vues d’Abou Sofiane et ses partisans. Ce qui ne l’empêchait pas de s’exprimer haut et fort dès qu’elle en avait l’occasion.

Khadija jeta son dévolu sur Muhammad qu’elle avait chargé de conduire ses affaires et de prendre part pour elle aux caravanes mecquoises.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agissait pas que d’une question d’intérêt. L’histoire entre Khadija et Muhammad était une magnifique histoire d’amour, pleine de tendresse, d’attachement, de confiance et de profond respect. Les doutes de chacun face à l’autre sont très touchants : complexée par son âge, Khadija craignait de déplaire au jeune homme, peu fortuné et illettré, Muhammad ne s’imaginait pas pouvoir susciter l’intérêt de la femme la plus belle et puissante de la ville.

A ceux qui critiquent les pratiques polygames du prophète, il faut savoir que, tant que Khadija était en vie, Muhammad lui a toujours été fidèle et n’a jamais pris d’autre épouse et ce , malgré toutes les tragédies vécues par le couple.

 

caravan

 

J’ai appris beaucoup de choses grâce à cette lecture alors que je pensais déjà en savoir pas mal sur le sujet. Par exemple, le rôle qu’ont joué l’oncle de Khadija et Zayd le fils adoptif de Muhammad. Waraqa, l’oncle de Khadija, était un imminent sage et avait en sa possession d’anciens manuscrits retraçant l’origine du monothéisme et l’histoire des précédents prophètes du judaïsme et du christianisme. Son étude de ses manuscrits a permis à Muhammad et ses proches d’inscrire la révélation dans la suite des précédents monothéismes. De même, Zayd était chrétien et sa profonde foi en un Dieu unique a aussi eu une influence sur la conviction des premiers musulmans.

 

En dehors de la question religieuse qui n’est pas centrale dans le roman puisque la révélation ne survient que dans les dernières pages, c’est toute une ville, ses habitants, ses querelles de faction, ses dangers qui revivent. Khadija doit mener ses affaires et s’imposer comme une égale aux hommes qui commandent la cité. Elle sera d’ailleurs la seule parmi les puissants à rester à La Mecque alors qu’une grave calamité s’abat sur la ville et à prendre en main les mesures nécessaires pour sauver la population.

Le roman est aussi l’occasion de faire de Muhammad un portrait juste, celui d’un homme droit et honnête, courageux et généreux, ayant un grand sens du relationnel, sachant ménager chaque parti et faire preuve d’équité.

 

Khadija est donc un roman remarquable loin de tout prosélytisme qui rend un bel hommage à une femme tout aussi remarquable. C’est aussi une façon intelligente et bien menée de raconter l’histoire de l’islam, surtout du point de vue des femmes, souvent victimes de préjugés ou de la sottise des hommes.

De plus, Marek Halter est un très bon conteur. On se laisse réellement emporter par sa plume qui parvient merveilleusement bien à créer une atmosphère particulière et l’on se sent voyager dans le temps et l’espace tantôt sous le soleil du désert, à travers les dunes tantôt au sein des rues fourmillantes de La Mecque.

 

En tant que musulmane, je n’ai rien relevé qui soit contraire ni à l’Histoire ni à la foi, ce qui est une prouesse de Marek Halter que d’avoir su concilier les deux !

J’ai lu dans une interview qu’il espérait, à travers ce roman, donner un modèle aux jeunes musulmanes d’aujourd’hui, un modèle qui les sorte de l’image des femmes opprimées et soumises que véhiculent les médias. Je souhaite de tout cœur que son objectif réussisse !

J’ai maintenant très hâte de lire le deuxième tome qui sera consacré à Fatima, la fille de Muhammad et, à travers elle, aux premiers heurts entre convertis et idolâtres.

 

Je remercie infiniment Cécile et les éditions Robert Laffont d’avoir accepté ce beau partenariat.

 

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